
Coronavirus, cas de force majeure dans les contrats ?
Maître Antoine Casanova
Avocat spécialisé dans le droit des nouvelles technologies et la propriété intellectuelle
Prestataires de service, fournisseurs et clients de tous les secteurs voient leurs activités bouleversées par la crise sanitaire actuelle. L’exécution de contrats conclus de longue date se voit suspendue, remise en question, voire devient impossible dans les conditions actuelles.
Quels mécanismes existent pour vous permettre de gérer ces situations contractuelles ? Est-ce possible d'invoquer la force majeure ? La caducité du contrat ? On vous explique.
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Peut-on invoquer un cas de force majeure ?
Le cas de force majeure est défini à l’article 1218 du Code civil : "Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.
L’intérêt de la force majeure
L’intérêt de la force majeure est qu’il retire toute responsabilité en cas d’inexécution du contrat. Concrètement, si vous ne pouvez pas respecter vos obligations mais que vous pouvez le justifier par un cas de force majeure, vous évitez deux principaux risques :
- la résiliation du contrat, et
- la condamnation à des dommages et intérêts.
La force majeure présente également l’intérêt de permettre une suspension temporaire du contrat dans les cas où l’exécution du contrat peut être simplement décalée de plusieurs mois.
Il s’agit donc d’un moyen de défense très efficace.
Les conditions de la force majeure
La force majeure nécessite la réunion de plusieurs conditions relatives à l’évènement :
- Il doit effectivement rendre impossible l’exécution de son obligation par le débiteur (temporairement ou définitivement) ;
- Il doit être imprévisible, c’est-à-dire qu’à la conclusion du contrat, il ne pouvait être « raisonnablement prévu » ;
- Ses effets ne doivent pas pouvoir être évités par des « mesures appropriées » (caractère « irrésistible »).
Ainsi, si vous souhaitez vous prévaloir d’un cas de force majeure pour suspendre l’exécution d’un contrat ou procéder à sa résiliation, vous devez établir :
- La circonstance précise empêchant l’exécution de votre obligation : l’épidémie en elle-même ? Les mesures de confinement obligatoire ? Des mesures mises en œuvre dans d’autres pays (par exemple, interdiction du transit de marchandises ou de personnes vers les zones à risque, etc.) ? Une obligation de sécurité vis-à-vis de vos collaborateurs ?
- Le caractère imprévisible de cette circonstance au moment de la conclusion du contrat : ce point posera question pour les contrats avec des commandes conclus récemment, où il sera possible d'avancer le fait que les circonstances constitutives du cas de force majeure auraient pu être raisonnablement prévues.
- L’impossibilité d’éviter les effets des circonstances particulières par des mesures appropriées : si les prestations peuvent être délivrées à distance, par exemple, il ne sera sans doute pas pertinent d’invoquer un cas de force majeure pour suspendre ou résilier le contrat.
Attention : La force majeure peut être encadrée par des stipulations particulières dans vos contrats (formalisme spécifique pour la notification, durée de la suspension, réunion des cocontractants, etc). Il convient donc de vérifier dans vos contrats les stipulations concernant le cas de force majeure avant d’avancer cette justification.
Je suis client, puis-je invoquer un cas de force majeure ?
Le cas de force majeure vient empêcher l’exécution de son obligation par le débiteur. De ce fait, cet argument ne peut être soulevé de manière crédible que par le débiteur d’une obligation de faire rendue impossible.
L’obligation du client étant principalement de payer le prix convenu au contrat, il ne sera pas possible d’affirmer que l’épidémie de Covid-19 ou les mesures de confinement rendent l’action de payer le prix impossible.
Coronavirus et caducité du contrat, possible ?
La caducité peut également être envisagée dans certains cas.
L’article 1186 du Code civil dispose qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. La caducité met fin au contrat.
Parmi les éléments essentiels d’un contrat on trouve le fait que le contenu doit être licite et certain. Si du fait de la pandémie en cours ou des mesures de confinement mises en place pour l’endiguer, le contrat n’a plus de contenu ou plus d’objet, la caducité peut être avancée pour y mettre fin.
Dans le contexte actuel, cela pourrait trouver à s’appliquer notamment aux contrats dont l’objet est lié à un évènement ou un projet annulé à cause de l’épidémie et/ou des mesures de confinement. La caducité nécessitera un rapprochement avec le prestataire pour convenir de ses conséquences si le contrat n’a rien prévu dans un tel cas.Attention à la rupture brutale des relations commerciales !
Quelles sont les autres alternatives ?
Même dans la situation d’urgence actuelle, la décision quant à la poursuite ou non de vos contrats doit donc être prise après une mûre réflexion afin d’établir les risques juridiques et financiers auxquels vous pourriez vous exposer.
Dans tous les cas si votre cocontractant n’invoque pas le cas de force majeure, mais :
- n’exécute pas ses prestations : vous pourrez envisager d’invoquer une exception d’inexécution pour ne pas verser les sommes liées aux prestations non exécutées (articles 1219 et 1220 du Code civil) ;
- exécute mal ses prestations : vous pourrez envisager une résolution ou résiliation pour manquement (prévue au contrat ou en vertu des articles 1224 à 1230 du Code civil)
Rédacteur : Sophie Haddad, Antoine Casanova et Nina Dubois, avocats au Barreau de Paris
Maître Antoine Casanova
Avocat spécialisé dans le droit des nouvelles technologies et la propriété intellectuelle
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