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Fiches pratiques Gérer une entreprise Immobilier / Patrimoine Déspécialisation du bail commercial : comment modifier son activité ?

Déspécialisation du bail commercial : comment modifier son activité ?

Chloé Tavares de Pinho - Image

Chloé Tavares de Pinho

Diplômée de l’INSEEC et de l’Université de Reims en droit des affaires.


Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.

Lorsque vous signez un bail commercial, vous vous engagez le plus souvent à exercer une activité précise, mentionnée dans le contrat. Mais au fil du temps, votre projet peut évoluer : développement d’une nouvelle offre, repositionnement stratégique, changement complet de secteur… Pour élargir ou modifier votre activité en respectant la législation, il est indispensable de passer par la déspécialisation du bail commercial. 

Ce mécanisme permet d’exercer une activité complémentaire ou connexe, ou d’en changer totalement. Mais attention : il ne s’applique pas librement, et la procédure dépend du type de changement envisagé. Vous devez respecter certaines étapes, informer votre bailleur et, dans certains cas, obtenir son accord formel. En outre, la déspécialisation, totale ou partielle, peut avoir des conséquences sur le loyer. Cette modification est à l’ordre du jour pour vous ? On fait le point sur la marche à suivre.

Mini-Sommaire

Qu’est-ce que la déspécialisation du bail commercial ?

La déspécialisation du bail commercial est une procédure encadrée par le Code de commerce, qui permet au locataire de modifier l’activité exercée dans les lieux loués. Le contrat de bail contient une clause dite de « destination », qui détermine les activités autorisées dans le local. Toute activité non mentionnée est en principe interdite. Il est donc impératif de solliciter l’accord du propriétaire bailleur pour en changer. 

En cas de non-respect de cette clause, le bailleur peut agir en justice pour faire cesser l’activité ou résilier le bail. La déspécialisation permet d’éviter ce risque en encadrant juridiquement l’évolution d’activité.

📝 À noter : si vous avez signé un bail tout commerce, la déspécialisation n’est pas nécessaire. Ce type de bail autorise d’emblée l’exercice de toutes les activités commerciales, sauf clause contraire.

La procédure de déspécialisation du bail commercial se décline en deux types :

  • déspécialisation partielle ;
  • déspécialisation plénière ou totale.

Quelle différence entre une déspécialisation du bail commercial totale ou partielle ?

La différence entre déspécialisation totale ou partielle dépend de l’évolution que vous souhaitez donner à votre activité commerciale.

La déspécialisation partielle vous permet d'ajouter à votre activité principale des activités connexes ou complémentaires. Bien que non précisément définies par les textes, ce sont des activités qui présentent un rapport étroit ou améliorent votre activité principale. Il peut par exemple s’agir d’un fleuriste qui souhaite proposer des objets de décoration ou des bougies parfumées. 

Cette procédure est plus simple que la déspécialisation totale. Celle-ci vous autorise en effet à changer complètement d'activité, ou à ajouter une activité sans rapport avec l'activité initiale. C’est le cas d’un restaurateur qui envisage de transformer son local en boutique de prêt-à-porter.

Pour être acceptée, cette demande doit répondre à plusieurs conditions cumulatives. La procédure est plus complexe et exige une autorisation formelle du bailleur.

📝 À noter : la déspécialisation partielle est un droit pour le locataire, sauf opposition justifiée du bailleur. La déspécialisation totale, elle, nécessite son accord exprès.

Quelle est la procédure pour la déspécialisation du bail commercial ?

La procédure de déspécialisation du bail commercial varie selon que vous souhaitez simplement ajouter une activité ou changer totalement d'orientation.

Déspécialisation du bail commercial : la procédure pour ajouter une activité

Étape 1 : notifier votre intention au bailleur

Vous devez informer votre propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou par acte d'huissier (désormais commissaire de justice). Cette notification doit préciser clairement la nouvelle activité connexe ou complémentaire que vous souhaitez ajouter.

☝️ Bon à savoir : en l’absence d’information de votre propriétaire, vous vous exposez à la résiliation du bail commercial ou au refus de son renouvellement sans indemnité.

Étape 2 : attendre la réponse du bailleur

Votre bailleur dispose de deux mois pour contester votre projet. Le délai court à compter de la réception de la notification. Son silence au-delà de ce délai vaut acceptation. S’il le souhaite, il peut aussi formaliser son désaccord par écrit, mais aucune forme particulière n'est requise pour sa réponse.

Étape 3 : en cas de contestation, saisir le tribunal

Si votre bailleur conteste le caractère connexe ou complémentaire de l'activité, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire du lieu de situation de votre fonds de commerce. C’est lui qui statuera sur l’ajout de l’activité connexe ou complémentaire et sur la pertinence de ce caractère. Pour cela, il se fonde sur les usages du commerce, l’évolution technique ou technologique, ou regarde si les deux activités ont la même clientèle.

⚠️ Attention : vous ne pouvez pas démarrer votre nouvelle activité avant d'avoir obtenu l'accord du juge en cas de contestation du bailleur.

Étape 4 : possibilité de renoncement

Le locataire peut renoncer à votre demande en informant son bailleur, notamment en cas d’augmentation de loyer due à la déspécialisation partielle ou totale. Ce droit existe jusqu'à 15 jours après que la décision judiciaire est devenue définitive.

Déspécialisation du bail commercial : la procédure pour changer d'activité

Étape 1 : demander l'autorisation au bailleur

Vous devez adresser une demande d'autorisation formelle par LRAR ou acte d'huissier (commissaire de justice) à votre bailleur, en précisant la nature de la nouvelle activité envisagée. 

Pour être accepté, le changement d’activité doit remplir ces 3 conditions :

  • être justifié par l'évolution de la conjoncture économique (crise affectant votre secteur par exemple) ;
  • correspondre à une organisation plus rationnelle de la distribution. Cela signifie que la nouvelle activité est plus adaptée aux besoins des clients, en fonction du lieu, des autres commerces, du type de clientèle ;
  • être compatible avec la destination de l’immeuble, ainsi que ses caractéristiques et son lieu de situation.

📝 À noter : il faut également prendre en compte le règlement de copropriété, si les locaux commerciaux y sont soumis.

Étape 2 : informer les créanciers inscrits

Vous devez par ailleurs notifier votre demande aux créanciers ayant un privilège ou un nantissement inscrit sur votre fonds de commerce. Ils peuvent alors demander des garanties supplémentaires. 

Cette information se fait également par LRAR ou par acte signifié par commissaire de justice.

Étape 3 : attendre la réponse du bailleur et des créanciers

Le bailleur dispose de trois mois pour répondre au locataire qui sollicite la déspécialisation plénière ou totale de son bail commercial. Il peut :

  • accepter la demande ;
  • la refuse, avec des arguments motivés ;
  • l'accepter sous certaines conditions, comme une modification du loyer ou la réalisation de travaux d’aménagement. 

Son silence après ce délai vaut acceptation. 

Les créanciers inscrits, quant à eux, disposent du même délai pour s’opposer au changement, ou éventuellement demander à modifier leurs garanties.

Étape 4 : en cas de refus, saisir le tribunal

Si le bailleur refuse la déspécialisation du bail commercial, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire qui vérifiera si le refus repose sur des motifs graves et légitimes.

Le propriétaire peut-il s'opposer à la déspécialisation du bail commercial ?

En cas de déspécialisation partielle

Pour une déspécialisation partielle, le bailleur peut uniquement contester le caractère connexe ou complémentaire de l'activité que vous souhaitez ajouter.

Il ne peut pas invoquer d'autres motifs de refus, comme des préoccupations économiques ou des engagements envers d'autres locataires. En cas de contestation, c'est le tribunal qui détermine si l'activité est véritablement connexe ou complémentaire.

En cas de déspécialisation totale

Pour une déspécialisation totale du bail commercial, le bailleur dispose de motifs d'opposition plus étendus. Il peut ainsi :

  • invoquer un motif grave et légitime (comme des nuisances potentielles pour le voisinage) ;
  • refuser une concurrence contre laquelle il s’est engagé, vis-à-vis d'autres locataires dont l’activité serait identique à la nouvelle. Ce type de clause de non-concurrence ou d’exclusivité n’a pas de valeur en cas de déspécialisation partielle ;
  • faire jouer l'exercice de son droit de reprise des locaux (pour reconstruction, surélévation ou rénovation de l’immeuble en location).

📝 À noter : si vous êtes le premier locataire d’un centre commercial, alors la procédure de déspécialisation plénière vous est interdite durant les 9 premières années de l’exploitation.

Le tribunal peut néanmoins autoriser la déspécialisation si le refus du bailleur n'est pas justifié par un motif grave et légitime.

Quelles sont les conséquences de la déspécialisation du bail commercial sur le loyer ?

Les conséquences d'une déspécialisation partielle du bail commercial sur le loyer

La déspécialisation partielle n'entraîne pas de hausse immédiate de loyer. Cependant, lors de la prochaine révision triennale, le bailleur peut demander une augmentation si la nouvelle activité a modifié la valeur locative des lieux.

Cette augmentation n'est pas systématique. Le bailleur doit démontrer que l'ajout de l'activité a réellement entraîné une hausse de la valeur locative du local.

☝️ Bon à savoir : s’il estime que l'augmentation proposée est excessive, le locataire pouvez renoncer à sa déspécialisation partielle jusqu'à 15 jours après que la décision sur le loyer est devenue définitive.

Les conséquences d'une déspécialisation totale du bail commercial sur le loyer

Dans le cas d'une déspécialisation totale, le bailleur peut demander immédiatement :

  • une modification du loyer : le loyer est alors fixé à la valeur locative, sans application des plafonnements prévus pour la révision légale et sans besoin de patienter jusqu’à la révision triennale. Le bailleur doit ensuite déclarer la révision auprès des impôts (SIE) ;
  • une indemnité de déspécialisation du bail commercial, pour compenser un préjudice dont il doit justifier l'existence. 

Le calcul de l'indemnité de déspécialisation n'est pas encadré par la loi. Elle est généralement fixée en fonction du préjudice subi par le bailleur, qui peut inclure :

  • des troubles de jouissance causés par le changement d’activité, qui occasionne une baisse des loyers des autres locataires ;
  • la hausse des charges de l'immeuble ;
  • la dépréciation potentielle de la valeur de l'immeuble. 

En cas de désaccord sur le montant du loyer ou de l'indemnité de déspécialisation du bail commercial, le juge des loyers commerciaux est compétent pour trancher le litige.

FAQ

Peut-on modifier un bail commercial en cours ?

Oui, il est possible de modifier un bail commercial en cours. Un avenant peut être rédigé, notamment en cas de renouvellement de contrat, de révision du loyer, de sous-location, d’ajout ou de changement d’activité à la suite d’une procédure de déspécialisation du bail commercial. L’avenant doit être formalisé par écrit et comporte des mentions obligatoires à ne pas négliger pour s’assurer de sa validité.

Qu'est-ce que la destination du bail commercial ?

La destination du bail commercial est la clause qui précise l'activité autorisée dans les locaux loués. Elle définit les limites de votre exploitation commerciale. Si vous souhaitez exercer une activité différente, vous devez informer le bailleur ou obtenir son accord en recourant à la procédure de déspécialisation du bail commercial prévue par le Code de commerce.

Qu'est-ce que la cession déspécialisation du bail commercial ?

La cession déspécialisation est une procédure spécifique permettant au locataire de céder son bail commercial en réalisant un changement d'activité pour son successeur. Elle est notamment utilisée en cas de départ à la retraite ou d'invalidité. Le locataire doit informer son bailleur par acte de commissaire de justice en précisant la nouvelle activité et le prix de cession. Le bailleur dispose de deux mois pour accepter, contester ou racheter le bail.

Principales sources législatives et réglementaires :

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