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Comment devenir mandataire judiciaire ? Le guide complet
Thomas Wittenmeyer
Diplômé de l'ESSEC Business School.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
Le mandataire judiciaire pour les entreprises en difficulté intervient sur désignation du tribunal. Quel est son rôle auprès des salariés et des créanciers de l’entreprise ? De quelle formation ce professionnel dispose-t-il ? Sous quel statut exerce-t-il ? Découvrez comment devenir mandataire judiciaire d’entreprise, et les formalités requises pour s’installer à son compte.
Mini-Sommaire
En quoi consiste le métier de mandataire judiciaire pour les entreprises en difficulté ?
Le mandataire judiciaire représente les créanciers d’une entreprise (salariés, Trésor public, fournisseurs, banques, etc.). Ce professionnel réglementé est indépendant. Il intervient lors d’une procédure de redressement, de sauvegarde ou de liquidation judiciaire d’une entreprise. En pratique, le mandataire judiciaire intervient lorsqu’une entreprise se retrouve en difficulté financière et qu’elle n’arrive plus à épurer ses dettes.
Le mandataire judiciaire est désigné par le tribunal du commerce ou de grandes instances. Il a pour mission principale de trouver des solutions pour que l’entreprise rembourse ses créanciers. Pour cela, il :
- recense les créances et les dettes ;
- vérifie la comptabilité de l’entreprise ;
- liquide des actifs (biens immobiliers et le mobilier) et répartit les fonds aux créanciers ;
- détermine la responsabilité civile ou pénale des dirigeants dans la faillite de l’entreprise.
En cas de liquidation judiciaire, le mandataire est également chargé de la fermeture de l’entreprise : licencier le personnel et fermer les locaux.
Le mandataire judiciaire collabore avec l’administrateur judiciaire (chargé de défendre les intérêts de l’entreprise). Il travaille également en étroite collaboration avec le tribunal et le ministère public.
☝️ Bon à savoir ; le mandataire judiciaire peut intervenir sous différentes fonctions selon la procédure engagée. Ainsi, il peut être conciliateur pour éviter une cessation de paiement, liquidateur pour gérer une liquidation, ou encore commissaire pour exécuter des plans judiciaires.
Qui peut devenir mandataire judiciaire ?
Devenir mandataire judiciaire pour entreprise en difficulté requiert de solides compétences en droit (civil, commercial et fiscal) et en comptabilité. C’est un métier exigeant qui requiert de l’empathie et de la fermeté.
Les qualités pour devenir mandataire judiciaire
Devenir mandataire judiciaire pour mener des procédures collectives demande de la pédagogie, un bon sens de l’écoute et du contact, ainsi qu’une bonne résistance au stress et à la pression. Ce professionnel doit savoir rester ferme sur ses décisions, tout en expliquant celles-ci avec diplomatie.
Le mandataire judiciaire est tenu au secret professionnel. Il doit faire preuve de discrétion et d’impartialité. Il doit également démontrer un sens aigu des responsabilités. Il est en effet responsable de l’avenir de l’entreprise et de ses salariés.
La formation pour devenir mandataire judiciaire
L’accès au métier de mandataire judiciaire se fait via deux parcours. Le parcours traditionnel de la formation de mandataire judiciaire est le suivant :
- détenir un diplôme de niveau Bac +5 minimum en droit, sciences économiques ou gestion ;
- réussir l’examen d’accès au stage professionnel, pour lequel il est possible de se présenter au maximum 3 fois ;
- accomplir un stage professionnel (de 3 à 6 ans) rémunéré dans une étude, auprès d’un maître de stage mandataire judiciaire ;
- réussir l’examen professionnel d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire.
Il existe un second parcours, appelé ALED (administration et liquidation des entreprises en difficulté) créé par la loi Macron. Les étapes de cette voie d'accès au métier de mandataire judiciaire sont :
- obtenir le Master ALED ;
- accomplir un stage professionnel de 30 mois rémunéré dans une étude, auprès d’un maître de stage mandataire judiciaire.
📝 À noter : seule une dizaine de candidats sont nommés chaque année pour devenir mandataires judiciaires.
Il est également possible de devenir mandataire judiciaire par la voie de la reconversion. Pour les professionnels du droit (avocats, notaires, huissiers de justice, experts-comptables, etc.), il est par exemple possible d’être dispensé de l'examen d'entrée ou de tout ou partie des épreuves d'aptitude.
Devenir mandataire judiciaire : salarié ou indépendant ?
Le mandataire judiciaire est un professionnel indépendant employé par les tribunaux. Il travaille à son propre compte, ou au service d’une étude d’administrateur judiciaire. Il peut donc exercer seul, ou être associé avec d’autres confrères.
Devenir mandataire judiciaire indépendant
Le mandataire judiciaire exerce une profession libérale, sous la surveillance du Procureur de la République et le contrôle d’un magistrat inspecteur régional (MIR). Les mandataires judiciaires comptent parmi les professions les plus contrôlées.
En effet, lorsqu’un mandataire judiciaire s’installe à son compte, il doit se conformer à différents contrôles :
- Chaque étude est contrôlée au minimum tous les 3 ans par le Conseil National des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. Ces contrôles portent sur l’ensemble de l’activité de l’étude et suivent un cahier des charges dressé par arrêté ministériel.
- Le mandataire judiciaire doit utiliser des logiciels spécifiques pour gérer la comptabilité de façon sécurisée. Ces logiciels sont certifiés pour garantir la protection des informations.
- Chaque mandataire doit déléguer un commissaire aux comptes qui est tenu de vérifier, au moins deux fois par an, que tous les fonds sont correctement représentés.
Un mandataire judiciaire a une compétence nationale. Cela signifie qu’il peut exercer son métier sur tout le territoire français. Le mandataire a un bureau principal et, s’il le souhaite, des bureaux secondaires, mais ces derniers sont réglementés. Ainsi, il n’est pas limité à une région ou à un tribunal spécifique.
Cette règle garantit qu’un mandataire judiciaire ne puisse pas prendre en charge de dossiers éloignés qu’il ne pourrait pas suivre faute de présence locale. Elle assure ainsi une meilleure qualité d’accompagnement pour les entreprises en difficulté.
☝️ Bon à savoir : les mandataires judiciaires ne sont pas des officiers ministériels, contrairement aux notaires ou aux huissiers de justice. Ils n’ont donc pas à acheter de "charge" (étude) pour exercer leur métier, puisque leur nombre en France n’est pas limité. Ils n’ont donc pas à racheter le poste de quelqu’un pour débuter leur activité.
Devenir mandataire judiciaire salarié
Depuis la loi Macron, les administrateurs et mandataires judiciaires peuvent exercer en tant que salariés. Ils ne sont donc plus obligés d’exercer sous le statut d’indépendant. Cette nouvelle option, inscrite dans la loi, a nécessité des ajustements dans les textes du Code de commerce pour intégrer ce nouveau statut salarié.
Les mandataires judiciaires sont désormais enregistrés sur la liste nationale du CNAJMJ (Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires). Cette liste précise la qualité de salarié du mandataire judiciaire, ainsi que le nom de son employeur.
Un administrateur associé ou une société peut ainsi désormais employer plusieurs professionnels salariés. Ces derniers ne peuvent toutefois pas être désignés personnellement par un tribunal. Ce sont les sociétés de mandataires qui reçoivent les missions. Elles peuvent ensuite les déléguer à leurs salariés, sous la supervision d’un mandataire associé.
☝️ Bon à savoir : pour s’adapter à ce nouveau statut, les conventions collectives ont été mises à jour. Une grille salariale a ainsi été créée, fixant le salaire mensuel brut à 6.000 euros pour un mandataire salarié.
Quel statut juridique pour devenir mandataire judiciaire indépendant ?
Devenir mandataire judiciaire indépendant suppose de choisir sous quel statut juridique exercer. Le plus souvent, le mandataire judiciaire exerce seul. Il peut également s’associer avec d’autres confrères.
Toutes les formes sociales ne sont pas autorisées. Par exemple, un mandataire judiciaire ne peut pas exercer sous le statut d’auto-entrepreneur. Il peut toutefois ouvrir :
- une entreprise individuelle ;
- une société d’exercice libérale (SEL) ;
- une société civile professionnelle (SCP).
L’entreprise individuelle pour un mandataire judiciaire
Un mandataire judiciaire peut exercer sous le statut de l’entreprise individuelle (EI). Cette option est intéressante si le professionnel souhaite exercer seul. En entreprise individuelle, le mandataire judiciaire exerce en nom propre. Cela signifie qu’il n’y a pas de création de personne morale à la constitution de l’entreprise.
D’autre part, les formalités de création d’une entreprise individuelle et sa gestion sont simplifiées par rapport à celle d’une société. Il n’y a pas de statuts à rédiger ni de capital social à déposer. Le patrimoine personnel du mandataire judiciaire est séparé de son patrimoine professionnel, protégeant ainsi ses biens personnels.
Le mandataire judiciaire est automatiquement soumis à l’impôt sur le revenu (IR) en EI, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Il peut toutefois opter pour l’impôt sur les sociétés (IS).
Le statut de l’entreprise individuelle ne permet pas de s’associer, et l’obtention de prêts bancaires professionnels peut être plus difficile.
La société d’exercice libéral pour devenir mandataire judiciaire
Les sociétés d'exercice libéral (SEL) sont particulièrement adaptées aux professions libérales, comme les mandataires judiciaires. Elles permettent d’exercer sous une structure de société tout en bénéficiant des avantages liés aux professions libérales. La gestion administrative d’une SEL est toutefois plus complexe qu’une entreprise individuelle.
Les principales formes de SEL sont :
- La SELARL (société d'exercice libéral à responsabilité limitée). C’est l’option la plus courante. Elle offre la possibilité de limiter la responsabilité des associés au montant de leurs apports tout en permettant une gestion souple. C’est une structure adaptée aux mandataires judiciaires souhaitant partager la gestion de l’entreprise avec d’autres associés. C’est l’adaptation de la SARL.
- La SELAS (société d'exercice libéral par actions simplifiées), l’adaptation de la SAS. Ce statut offre plus de souplesse en termes de gestion et de répartition des pouvoirs entre les associés.
- La SELAFA (société d'exercice libéral à forme anonyme), qui s’apparente à la SA. Elle est réservée aux activités importantes qui souhaitent lever des capitaux conséquents.
- La SELCA (société d'exercice libéral en commandite par actions). Cette forme est moins courante et permet de distinguer les commandités (associés gérants) et les commanditaires (investisseurs sans pouvoir de gestion).
Ces formes de sociétés existent également sous forme unipersonnelle :
- la SELASU (société d'exercice libéral par actions simplifiées unipersonnelle) ;
- la SELARLU (société d’exercice libéral à responsabilité limitée unipersonnelle).
La société civile professionnelle pour s’associer à d’autres professionnels
La société civile professionnelle (SCP) est moins courante dans le cas des mandataires judiciaires, mais possible. Ce statut permet à plusieurs professionnels du même métier de s’associer pour exercer leur activité en commun.
Dans une SCP, aucun capital social minimum n’est exigé. Les associés sont imposés à l’impôt sur le revenu, sur leur quote-part.
⚠️ Attention : en SCP, la responsabilité des associés est illimitée et solidaire pour les dettes de la société. Leur patrimoine personnel peut donc être engagé.
Quelles formalités pour devenir mandataire judiciaire à son compte ?
Pour devenir mandataire judiciaire, quelques formalités sont à accomplir une fois le diplôme obtenu :
- s’inscrire sur la liste nationale des mandataires judiciaires ;
- effectuer les formalités de création d’entreprise ;
- souscrire aux assurances obligatoires ;
- continuer à se former.
S’inscrire sur la liste nationale des mandataires judiciaires
La profession étant strictement réglementée, pour devenir mandataire judiciaire et être inscrit sur la liste de la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, le professionnel doit obligatoirement :
- être un citoyen français ou ressortissant de l’Union Européenne (UE) ;
- détenir un casier judiciaire vierge ;
- ne pas avoir fait l'objet de sanctions disciplinaires ou administratives (destitution, radiation, révocation, etc.) ;
- ne pas avoir subi de faillite personnelle ni de mesure de déchéance ou d'interdiction.
L’inscription est strictement réservée aux professionnels ayant réussi avec succès la période de stage et l’examen de sortie à la formation pour devenir mandataire judiciaire. Elle est effectuée par une commission nationale d'inscription et de discipline qui présente les mêmes garanties d'indépendance que le mandataire judiciaire.
☝️ Bon à savoir : le mandataire judiciaire prête serment avant d’entrer en fonction.
Effectuer les formalités de création d’entreprise
Les formalités de création d’entreprise ne sont pas les mêmes en fonction du statut choisi. Si le mandataire judiciaire opte pour l’entreprise individuelle, les formalités sont simplifiées. Le professionnel doit procéder à l’immatriculation de l’entreprise via un formulaire de déclaration d’activité en ligne. Les formalités sont accomplies directement sur le site de l’INPI, auprès du Guichet unique des entreprises.
Si, en revanche, le mandataire judiciaire opte pour la création d’une société, les formalités sont plus nombreuses :
- nommer un dirigeant ;
- rédiger les statuts de la société ;
- déposer le capital social ;
- publier un avis de constitution dans un journal d’annonces légales ;
- immatriculer la société sur le site de l’INPI.
Le mandataire judiciaire reçoit son numéro Siret lui permettant de commercer à exercer son activité à l’issue de sa demande d'immatriculation auprès du Guichet unique.
Souscrire aux assurances obligatoires
Le mandataire judiciaire est dans l’obligation de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. La RC Pro protège le mandataire judiciaire contre des fautes, erreurs ou omissions dans l’exercice de ses fonctions.
Le mandataire judiciaire doit également souscrire à la Caisse de garantie. Administrée par les professionnels de la branche, elle a pour mission d’assurer la gestion des fonds détenus pour le compte de tiers par les mandataires judiciaires. La Caisse de garantie souscrit également une assurance pour chaque professionnel, pour couvrir les éventuelles conséquences financières liées à leur responsabilité civile dans le cadre de leurs missions.
Procéder à une formation continue
Le mandataire judiciaire est tenu de se former en continu pour exercer. Ainsi, il doit suivre une formation professionnelle à raison de 20 heures par an environ. Cela lui permet de maintenir ses connaissances à jour.
FAQ
Quel est le salaire moyen d’un mandataire judiciaire ?
Pour un mandataire judiciaire, le salaire, ou plutôt ses honoraires, peuvent considérablement varier d’un mois à l’autre en fonction des missions. Les honoraires sont fixés et réglementés par le tribunal. En moyenne, un mandataire judiciaire perçoit environ 5.500 euros brut.
Qu’est-ce qu’un mandataire judiciaire pour les majeurs protégés ?
Un mandataire judiciaire pour les majeurs protégés a pour mission d’accompagner et de protéger ces adultes vulnérables. Il participe à l’autonomie de la personne protégée en l’accompagnant dans sa vie quotidienne.
Quel est le coût d’un mandataire judiciaire ?
Le coût d’un mandataire judiciaire à la charge de l’entreprise varie en fonction de la situation. Les honoraires combinent un tarif fixe (environ 2.300 euros HT), et un calcul de frais basé sur le nombre de salariés et le nombre de créances traitées.
Principales sources législatives et réglementaires :
- Article 236 - Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi Macron)
- Article L811-1 - Code de commerce
- Article L811-3 - Code de commerce
- Article L812-1 - Code de commerce
Thomas Wittenmeyer
Diplômé de l'ESSEC Business School.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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