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Fiches pratiques Gérer ses salariés Recruter des salariés Travailler sans papier en France, est-ce possible ?

Travailler sans papier en France, est-ce possible ?

Chloé Tavares de Pinho - Image

Chloé Tavares de Pinho

Diplômée de l’INSEEC et de l’Université de Reims en droit des affaires.


Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.

L’employeur qui souhaite embaucher un salarié étranger est tenu de vérifier qu’il peut travailler sur le territoire. Ainsi, est-il possible de faire travailler des sans-papiers en France ? Que faire lorsqu’un salarié perd son autorisation de travail ? Un étranger sans papier peut-il régulariser sa situation par le travail ? Legalstart fait le point pour vous.

Mini-Sommaire

Une entreprise peut-elle faire travailler des sans-papiers ?

L’employeur est tenu de vérifier la régularité de la situation en France de la personne qu’il souhaite embaucher. Si le candidat est étranger, il doit détenir une autorisation de travail (aussi appelée permis de travail) pour travailler en France.

En cas de manquement à cette obligation, et si l’employeur fait travailler un sans-papiers, il encourt une amende et une peine de prison.

☝️ Bon à savoir : si la personne que vous souhaitez embaucher est un sans-papiers, vous pouvez, en tant qu’employeur, régulariser sa situation. Cette procédure est toutefois complexe. Par ailleurs, la législation encourage à privilégier l’embauche de personnes déjà admises sur le marché du travail français.

Travailler sans papier : que faire en cas de perte de l’autorisation de travailler ?

Si vous constatez que votre employé n’a plus d’autorisation de travail, et qu’il est donc en situation irrégulière, il vous appartient de rompre son contrat de travail. Des indemnités de rupture doivent lui être versées.

Comment rompre le contrat de travail d’un salarié étranger qui n’a plus d’autorisation de travail ?

L’employeur peut rompre le contrat de travail du salarié en situation d’irrégularité en invoquant ce motif, sans que cela constitue un cas de force majeur. En fonction du contrat de travail établi avec le salarié, vous devez soit :

  • notifier le licenciement au salarié s’il est en CDI ;
  • procéder à une rupture anticipée du contrat s’il est en CDD.

Concernant le formalisme, vous n’êtes pas obligé de convoquer le salarié à un entretien d’embauche.

☝️ Bon à savoir : la protection d’une salariée enceinte ou d’un salarié représentant du personnel ne s’applique pas dans ce cas de figure. Vous pouvez procéder à la rupture du contrat sans avoir besoin de demander l’autorisation à l’inspecteur du travail.

S’il est établi que le salarié a fraudé, et que vous avez bien procédé aux vérifications d’usages de l’autorisation de travail qui semblait régulière, vous pouvez engager une procédure disciplinaire. Dans ce cas, un licenciement pour faute grave (sans versement d’indemnités) peut être engagé.

Quelles indemnités de rupture pour le salarié étranger qui n’a plus d’autorisation de travail ?

L’irrégularité du salarié ne constitue pas une faute. Ainsi, le licenciement donne droit au versement d’une indemnité forfaitaire de rupture de contrat.

Le montant de l’indemnité forfaitaire varie en fonction du type de contrat. Si le salarié est en CDI, le montant de l’indemnité est fixé à :

  • une indemnité forfaitaire égale à 3 mois de salaire ;
  • ou, au montant cumulé des indemnités de licenciement et de préavis, s’il est plus favorable.

📝 À noter : le salarié ne peut pas se prévaloir d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse s’il a perdu son autorisation de travailler sur le territoire français.

Si le salarié est en CDD, le montant de l’indemnité est calculé comme suit :

  • une indemnité forfaitaire égale à 3 mois de salaire ;
  • ou, au montant cumulé de l’indemnité pour rupture injustifiée du contrat et de la prime de précarité, s’il est plus favorable.

Dans les deux cas, le travailleur étranger peut demander le versement de dommages et intérêts s’il justifie avoir subi un préjudice.

⚠️ Attention : si vous rompez le contrat suite à une situation de travail dissimulé, le salarié peut demander une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Qu’est-ce que la régularisation par le travail ?

Pour un étranger sans papier, le travail peut lui permettre d’obtenir un titre de séjour. C’est ce que l’on appelle la régularisation par le travail. Dans cette situation, la personne peut obtenir, une carte de séjour salarié ou de travailleur temporaire, par l'admission exceptionnelle au séjour.

Les conditions pour bénéficier de la régularisation par le travail

Les étrangers non européens en France peuvent obtenir une carte de séjour salarié ou de travailleur temporaire s’ils répondent aux conditions suivantes :

  • détenir un contrat de travail ou une promesse d’embauche ;
  • parler français, à minima de façon élémentaire ;
  • ne pas représenter une menace pour l’ordre public ni vivre en situation de polygamie en France ;
  • disposer d’une ancienneté de séjour et de travail en France minimum.

Si la personne vit en France depuis plus de 5 ans, elle doit pouvoir justifier avoir travaillé 8 mois au cours des 2 dernières années, ou 30 mois sur les 5 dernières années. Si elle séjourne en France depuis 3 ans, elle doit prouver avoir travaillé 24 mois, dont 8 mois au cours des 12 derniers mois.

📝 À noter : les conditions d’admission exceptionnelle au séjour sont différentes si l’emploi est sur la liste des métiers en tension (métiers pour lesquels il existe des difficultés de recrutement en France).

Quelles sont les formalités pour demander la régularisation par le travail ?

La demande doit être déposée en préfecture. L’employeur doit compléter et signer le formulaire Cerfa n° 15186*03 intitulé "demande d'autorisation de travail pour embaucher un étranger résidant en France".

Aucun visa n'est exigé pour demander la régularisation par le travail. Les documents suivants doivent être fournis :

  • une copie intégrale d’acte de naissance ;
  • un passeport, ou carte d’identité ou consulaire avec photo ;
  • un justificatif de domicile de moins de 6 mois ;
  • 3 photos ;
  • une déclaration sur l’honneur de non-polygamie en France ;
  • le formulaire Cerfa n° 15186*03 ;
  • les documents qui justifient la résidence habituelle depuis l’entrée en France ;
  • les preuves d’exercice antérieur de l’activité salariée (certificat de travail, attestation France travail, etc.) ;
  • les justificatifs de l’insertion de la personne dans la société française (adhésion à des associations, activité bénévole, etc.).

⚠️ Attention : les démarches ne peuvent pas être effectuées dans toutes les sous-préfectures. Il convient de se renseigner au préalable.

Quelles sanctions pour une entreprise qui fait travailler des sans-papiers ?

Un employeur qui fait travailler un sans-papiers encourt des sanctions pénales et administratives.

Des sanctions pénales

Le Code du travail interdit l’embauche d’une personne étrangère sans titre de travail. Si l’employeur embauche une personne étrangère sans autorisation de travail ou en situation irrégulière, il encourt une amende ou une peine de prison au titre du délit.

Ces peines diffèrent selon les situations. Par exemple, si l'employeur a embauché ou conservé en toute connaissance de cause à son service un étranger sans autorisation de travail, il encourt :

  • une amende pénale de 30.000 € par étranger concerné (200.000 euros en cas d’infraction en bande organisée) ;
  • une peine de prison de 5 ans.

Si l’employeur commet une fraude ou une fausse déclaration dans le but de faire obtenir une autorisation de travail à un étranger, il encourt 3.000 euros d’amende et 1 an de prison.

Des pénalités administratives

Des sanctions administratives complémentaires peuvent s’appliquer si une société fait travailler des sans-papiers : interdiction d’exercer, confiscation de biens, exclusion des marchés publics, etc.

L’employeur s’expose également au versement :

  • d’une contribution spéciale à l’Office français de l’immigration et de l’intégration d’un montant maximum de 15.000 euros ;
  • d’une participation forfaitaire représentative des frais de réacheminement dont le montant est fixé par arrêté du ministre et dépend du coût moyen des opérations de réacheminement du salarié.

☝️ Bon à savoir : l’employeur peut ne pas être sanctionné s’il prouve sa bonne foi. C’est notamment le cas s’il prouve que la personne embauchée a produit un faux titre de travail.

FAQ

Quel titre de séjour pour un salarié étranger qui bénéficie de la régularisation par le travail ?

Un salarié qui bénéficie de la régularisation par le travail peut se voir attribuer une carte de séjour valable un an, renouvelable. S’il est en CDD, il obtient une carte de séjour travailleur temporaire valable pour la durée du contrat.

Quel recours en cas de refus d’une demande de régularisation par le travail ?

La personne qui se voit refuser une demande de régularisation par le travail peut former un recours contentieux devant le tribunal administratif. En l’absence de réponse du préfet, il est possible de former au préalable un recours administratif (aussi appelé recours gracieux).

Que doit faire l’employeur qui découvre que son salarié est sans papier ?

Si le salarié est en CDI, l’employeur doit lui notifier son licenciement. S’il est en CDD, il doit procéder à une rupture anticipée du contrat. 

Principales sources législatives et réglementaires :

  • Articles L435-1 à L435-4 - Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
  • Annexe 10 - Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
  • Décret n° 2012-812 du 16 juin 2012 relatif à la contribution spéciale et à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine
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