
Déclaration de créances : contexte, modalités, absence
Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
La liquidation judiciaire est une procédure collective qui marque la fin de l’activité d’un entrepreneur. Elle permet de vendre les actifs de l’entreprise pour rembourser ses dettes. Mais qu’en est-il des auto-entrepreneurs ? Comment cette procédure se déroule-t-elle lorsqu’il s’agit d’une personne physique ?
Sous quelles conditions, quand on est auto-entrepreneur, une liquidation judiciaire est-elle possible ? Quelles sont les conséquences sur votre activité ? Quels sont les risques pour votre patrimoine si vous êtes auto-entrepreneur et que vous avez une liquidation judiciaire en cours ? Legalstart vous explique.
Mini-Sommaire
Lorsqu’une entreprise est en cessation de paiement, elle doit mettre fin à son activité : c’est la liquidation judiciaire. Cette procédure permet de fermer l’entreprise qui dépose le bilan : ses biens sont vendus pour finir de payer ses créanciers.
📝 À noter : la liquidation judiciaire intervient pour les entreprises qui ne peuvent plus se relever. D’autres démarches pour les sociétés en situation financière tendue existent, sans qu’elles aient besoin de fermer leurs portes. C’est le cas de la procédure de sauvegarde qui s'adresse aux sociétés en difficultés.
La liquidation judiciaire n’est pas uniquement réservée aux personnes morales. Il est possible d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire pour les entreprises individuelles (EI et EIRL) et pour les auto-entrepreneurs.
Dans un premier temps, il est nécessaire que l’auto-entrepreneur soit en situation de cessation des paiements, c’est-à-dire que son actif disponible ne suffit pas à rembourser son passif exigible. Ce cas arrive quand le patrimoine professionnel de l’entreprise n’atteint pas la somme nécessaire pour faire face aux dettes contractées.
La liquidation judiciaire est prononcée quand la situation de l’auto-entrepreneur est irrémédiablement compromise et qu’il n’est pas possible d’opérer un redressement judiciaire ou un rétablissement professionnel. Avoir recours à la liquidation judiciaire permet à l’entrepreneur de mettre fin à son activité.
🛠️ En pratique : une liquidation judiciaire simplifiée est envisageable pour l’auto-entrepreneur s’il ne possède pas de bien immobilier, s’il n’a pas employé plus de 5 salariés au cours des 6 derniers mois et s’il réalise un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 750.000 €.
Si c’est l’entrepreneur individuel lui-même qui débute cette procédure, il doit le faire dans les 45 jours qui suivent la cessation de paiements (aussi appelée “dépôt de bilan”). Il doit déclarer cette dernière au tribunal de commerce ou au tribunal judiciaire.
⚠️ Attention : si l'auto-entrepreneur ne respecte pas ce délai de 45 jours, le tribunal peut le condamner à une interdiction de gérer une entreprise jusqu’à 15 ans - sauf en cas de profession libérale.
L’auto-entrepreneur n’est pas le seul à pouvoir demander une liquidation judiciaire. Si aucune procédure de conciliation n’est en cours, celle-ci peut être demandée par :
Si l’auto-entrepreneur en cessation de paiements décède, la demande de liquidation judiciaire peut être faite dans l’année qui suit ce décès par un de ses héritiers, un Ministère public ou n’importe quel créancier.
🔎 Zoom : un auto-entrepreneur peut être déclaré en liquidation judiciaire pendant la période d’observation de sauvegarde ou de redressement judiciaire, quand la survie de l’entreprise apparaît manifestement impossible.
Si l’auto-entrepreneur souhaitant la liquidation judiciaire a une activité commerciale et/ou artisanale, il doit déposer sa demande auprès du greffe du tribunal de commerce, correspondant au siège de son entreprise. S’il exerce une activité libérale, il doit alors s’adresser au tribunal judiciaire.
Le dossier de la demande est constitué de :
Si l’entrepreneur réunit les conditions d’ouverture de la liquidation judiciaire (cessation de paiements et redressement impossible), le tribunal ouvre la procédure. Le jugement d’ouverture est publié par le greffier du tribunal au RCS pour une activité commerciale, au RNE pour une activité artisanale, ou dans le répertoire adapté tenu par le greffe du tribunal judiciaire pour les autres activités.
📌 À retenir : s’il réunit aussi les conditions d’une procédure de surendettement, l’auto-entrepreneur bénéficie d’une liquidation judiciaire simplifiée. Cette démarche permet ainsi de traiter ses dettes personnelles et professionnelles en même temps.
Le jugement d’ouverture débute officiellement la liquidation judiciaire de l’auto-entrepreneur. Le tribunal commence par nommer le liquidateur, le juge-commissaire et le représentant des salariés (s’il y a un CSE dans l’entreprise) qui vont intervenir pendant cette procédure.
Le liquidateur vérifie les créances et réalise toutes les opérations de liquidation, comme la gestion de l’entreprise, la vente des biens, le licenciement et le paiement des salariées, le recouvrement des sommes dues à l’entreprise, etc. Ses honoraires sont payés par l’entreprise.
🛠️ En pratique : dans la liquidation simplifiée, ce sont avant tout les créances salariales et les dettes qui peuvent être réglées selon l’actif disponible qui sont vérifiées. La vente des biens se fait dans les 4 mois, d’abord de gré à gré, puis aux enchères publiques.
Les créances de l’entreprise sont réglées par ordre de priorité, en commençant par les salaires, puis les frais de justice, les dettes dues aux impôts et à l’URSSAF, puis les autres dettes. Cependant, le liquidateur ne vend pas les biens personnels de l’auto-entrepreneur, à moins que ce dernier en fasse la demande et que le juge-commissaire donne son accord.
L’auto-entrepreneur demandant la liquidation judiciaire le fait car il n’a pas d’autres recours. Les conséquences sont alors immédiates pour son entreprise.
Une fois le jugement d’ouverture fait, la liquidation judiciaire met fin à l’activité de l’entreprise, jusqu’à la clôture de la procédure. L’auto-entrepreneur ne peut plus modifier son patrimoine professionnel lorsque cela entraîne une diminution de l’actif.
Par contre, il peut tout à fait exercer une autre activité professionnelle, indépendante. Pour cette dernière solution, l’auto-entrepreneur ne doit pas avoir été condamné à une décision de clôture (procédure de rétablissement professionnel) ou à une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs dans le passé.
☝️ Bon à savoir : un maintien de l’activité pour une durée maximale de 6 mois peut être autorisé par le tribunal si la cession totale ou partielle de l’entreprise est possible ou si l’intérêt public (ou celui des créanciers) l’impose. C’est alors un administrateur judiciaire qui gère l’entreprise.
Le liquidateur procède aux licenciements économiques des employés, dans les 15 jours suivant le jugement de la liquidation judiciaire ou la fin du délai de poursuite d’activité, ou dans les 21 jours en cas de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il a l’obligation de consulter le CSE, comité social et économique, s’il y en a dans l’entreprise.
Si les fonds de l’entreprise ne suffisent pas, la cotisation au régime de garantie des salaires (AGS) permet de couvrir les différentes créances de cette rupture de contrats : indemnités, cotisations sociales, salaires, primes, frais professionnels, etc.
📌 À retenir : le liquidateur est obligé de mettre en place un PSE si l’entreprise a plus de 50 salariés et que 10 sont licenciés pour motif économique sur une période de 30 jours. Il soumet alors ce PSE à la DREETS pour sa validation ou son homologation. Cette dernière répond dans un délai de 4 jours après la dernière réunion du CSE.
Lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, le cours des intérêts et les majorations sont arrêtés, sauf pour les intérêts des prêts de plus d’un an déjà en cours. Toutes les actions en justice de la part des créanciers (règlement d'une créance et fin de contrat pour défaut de paiement notamment) sont suspendues et interdites.
📝 À noter : les créanciers peuvent toutefois poursuivre l’entreprise en liquidation en cas de fraude fiscale, dissimulation d’actif et sanction personnelle ou pénale prononcée contre l’auto-entrepreneur.
Le jugement d’ouverture est publié au BODACC : le bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Les créanciers ont un délai de deux mois à partir de la parution pour déclarer leurs créances au liquidateur et récupérer leurs montants.
La liquidation marque la fin immédiate de l’activité de l’auto-entrepreneur et donc la fermeture de l’auto-entreprise. L’auto-entrepreneur est dessaisi de son auto-entreprise et n’en assume plus la gestion dès lors que le liquidateur est désigné.
Pour que le tribunal prononce la clôture de la liquidation judiciaire pour l’auto-entrepreneur, il faut se trouver dans l’une des situations suivantes :
Une fois la clôture de la liquidation judiciaire annoncée, les actions en justice et les poursuites individuelles des créanciers contre l’auto-entreprise sont impossibles.
🛠️ En pratique : dans le cadre d’une liquidation judiciaire simplifiée, la clôture est prononcée au plus tard dans les 6 mois dans le cadre de l’auto-entreprise.
Si l’auto-entrepreneur a fait une déclaration d’affectation de patrimoine professionnel, seuls les biens relevant de son patrimoine professionnel peuvent être saisis dans le cadre de la liquidation.
Dans tous les cas, sa résidence principale est protégée et ne peut pas être saisie par les créanciers professionnels. Il est également possible de protéger les autres biens fonciers via une déclaration d’insaisissabilité. Ces démarches de protection de patrimoine sont évidemment des mesures de prévention. Elles n’ont pas d’effet rétroactif et ne protègent pas les biens contre des créances antérieures aux déclarations.
Une entreprise ou un auto-entrepreneur en liquidation judiciaire suspend son activité, sauf à titre exceptionnel. Cette poursuite d’activité prononcée par le tribunal est valable 3 mois, renouvelable une fois, et intervient si une cession partielle ou totale de l’entreprise est possible.
Le liquidateur a réglé les créances par ordre de priorité, les contrats de travail sont rompus et l’entreprise est radiée du RCS, du RNE ou du répertoire tenu par un greffe de tribunal dont elle dépend.
Le représentant légal informe l’URSSAF de la liquidation judiciaire qui envoie un avis présentant la somme due après le dépôt des comptes définitifs. L’entreprise a 30 jours pour régler cette créance, sous peine d’une amende de 3.750 euros maximum et de deux ans d’emprisonnement.
Principales sources législatives et réglementaires :
Note du document :
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Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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