Déclaration de créances : contexte, modalités, absence
Quelles sont les conséquences d'un redressement judiciaire ?
Agnès Mongin
Les difficultés financières sont à l’origine de la plupart des décisions de fermer une entreprise. En cas de cessation de paiement, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire peut vous permettre de sauver votre activité ainsi que l’emploi de vos salariés.
Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pourquoi mettre en œuvre cette procédure collective ? Quelles sont les conséquences du redressement judiciaire sur le dirigeant d’entreprise, les créanciers et les salariés ? Legalstart répond en détail à toutes vos questions.
Mini-Sommaire
Qu’est-ce qu’une procédure de redressement judiciaire ?
Avant de voir les conséquences du redressement judiciaire, intéressons-nous à sa définition. Cette procédure collective est prévue par le Code de commerce. Ses conditions de mise en œuvre sont strictement encadrées par la loi.
Redressement judiciaire : définition
Le redressement est une procédure judiciaire obligatoire pour toutes les entreprises dans l’impossibilité de régler leurs dettes faute d’actifs disponibles suffisants. Elle leur permet ainsi d’apurer leur passif dans un cadre protecteur et de garantir la continuité de leurs activités.
Le redressement judiciaire n’est pas réservé aux grandes entreprises. Il concerne en effet également :
- les personnes exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole ;
- les personnes physiques ayant une activité professionnelle indépendante ou une profession libérale ;
- toutes les formes de société de droit privé, peu importe leur taille et leur statut juridique.
Comment se passe un redressement judiciaire ?
En pratique, une procédure de redressement judiciaire se déroule en 4 grandes étapes :
- Une déclaration de cessation des paiements : elle est déposée au greffe du tribunal de commerce si l’entreprise exerce une activité commerciale et artisanale. Pour les activités libérales et agricoles, seul le tribunal judiciaire est compétent. Il faut noter que la procédure de redressement judiciaire peut être demandée par le dirigeant lui-même, le procureur de la République ou un créancier (Urssaf, clients, etc.).
- Le tribunal examine ensuite la situation de l’entreprise et rend un jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire : il fixe ainsi la date de cessation des paiements, nomme un mandataire judiciaire et détermine la durée de la période d’observation. Dans certains cas, il peut également nommer un administrateur judiciaire.
- La période d’observation : elle permet d’étudier les différentes solutions pour régler les dettes de l’entreprise et d’élaborer un plan de redressement.
- La fin de la procédure de redressement judiciaire : plusieurs issues sont possibles. Si le plan de redressement porte ses fruits, l’entreprise poursuit ses activités. Dans certains cas de figure, sa mise en œuvre peut durer 10 ans. L’entreprise dispose alors de toutes ces années pour payer ses dettes. Si les difficultés disparaissent, la procédure est purement et simplement clôturée. Pour faciliter le redressement, le tribunal peut également ordonner la cession totale ou partielle de l’entreprise. Enfin, si aucune solution n’est envisageable, le tribunal peut prononcer sa liquidation judiciaire.
Conditions de la procédure de redressement judiciaire
Pour bénéficier des conséquences du redressement judiciaire, l’entreprise doit :
- Être en cessation de paiement : celle-ci est constatée lorsque, depuis plus de 45 jours, l’actif disponible à court terme de l’entreprise est insuffisant pour faire face à son passif exigible. Ce dernier est constitué des dettes échues, liquides et certaines. L’actif disponible correspond, quant à lui, aux liquidités et aux valeurs réalisables immédiatement. Les immeubles, les immobilisations, les créances à recouvrer ou encore les titres de participation dans les filiales ne sont donc pas concernés.
- Démontrer que son redressement est possible : dans le cas contraire, seule la procédure de liquidation est envisageable. Cette question de fait est laissée à la libre appréciation du tribunal.
Pourquoi faire une procédure de redressement judiciaire ?
Cette procédure collective possède une mauvaise image auprès des dirigeants et des créanciers. Pourtant, les conséquences du redressement judiciaire sont nombreuses et particulièrement intéressantes pour les entreprises. Cette procédure leur permet en effet :
- de poursuivre leurs activités ;
- de maintenir leurs emplois ;
- de geler l’ensemble de leurs dettes antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de redressement ;
- d’obtenir des remises de dettes et des délais supplémentaires de paiement.
La procédure de redressement judiciaire offre donc du temps aux entreprises en difficulté. Dans un cadre protecteur, elles peuvent élaborer des solutions afin de régler leurs dettes et d’assurer leur survie sur le long terme.
Quelles sont les conséquences du redressement judiciaire pour le dirigeant d’entreprise ?
Le dirigeant d’entreprise est le premier concerné par cette procédure collective. En effet, les conséquences du redressement judiciaire concernent aussi bien ses fonctions, que sa rémunération et ses chances de conserver son entreprise.
La limitation des pouvoirs du dirigeant
L’importance de cette limitation dépend de la taille de l’entreprise. Si celle-ci compte moins de 20 salariés et réalise un chiffre d’affaires inférieur à 3 millions d’euros, son dirigeant reste seul aux commandes pour gérer le redressement. Une exception toutefois : les décisions importantes (vente des biens de l’entreprise, licenciement, etc.) doivent être autorisées par le juge-commissaire. Celui-ci est désigné dans le jugement d’ouverture de la procédure de redressement.
Pour les plus grandes entreprises, le tribunal a l’obligation de nommer un administrateur judiciaire. La plupart du temps, son rôle consiste principalement à assister le dirigeant dans la gestion de sa société. Il possède, toutefois, des prérogatives exclusives concernant les décisions les plus importantes (résiliation des contrats par exemple). Dans certains cas, l’administrateur peut se voir confier l’entière gestion de l’entreprise. Le dirigeant perd alors la totalité de ses pouvoirs.
Conséquence du redressement judiciaire : la modification de la rémunération du dirigeant
Depuis la loi Pacte, la rémunération du dirigeant est maintenue en cas d’ouverture d’une procédure de redressement. Toutefois, l’administrateur judiciaire peut demander au juge de la revoir à la baisse. Son montant s’apprécie en fonction de la situation personnelle du dirigeant.
La cession de l’entreprise
Si le redressement de l’entreprise s’avère difficile en l’état, le tribunal peut ordonner sa cession totale ou partielle. Il réalise, pour cela, une analyse en profondeur des offres de reprise. Seule la proposition susceptible de maintenir durablement l’emploi et d’assurer le désintéressement des créanciers peut être retenue. Notez que cette offre ne peut, en aucune façon, provenir du dirigeant lui-même, de ses parents et de ses alliés jusqu'au 2e degré.
Une fois la cession réalisée, le nouveau propriétaire est libre de maintenir ou non le dirigeant à son poste.
Redressement judiciaire : quelles conséquences pour les clients ?
L’essence même de la procédure de redressement judiciaire est d’éviter l’accumulation des dettes pour permettre, à terme, l’apurement du passif. C’est pourquoi, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire a des incidences non négligeables sur les clients, et plus généralement les créanciers de l’entreprise en difficulté.
Le gel des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de redressement
C’est la première des conséquences du redressement judiciaire : le jugement d’ouverture entraîne le gel des dettes de l’entreprise. Cela signifie que les créanciers de l’entreprise en redressement judiciaire ont l’impossibilité de se faire rembourser les créances échues avant le jugement d’ouverture.
Cette interdiction s’étend également aux créances nées après le jugement d’ouverture dès lors qu’elles sont considérées comme étant inutiles à l’activité de l’entreprise. Par conséquent, toutes les autres créances apparues par la suite doivent être acquittées.
Dans tous les cas, cette interdiction s'applique jusqu’à l’issue de la période d’observation.
📝 À noter : 3 catégories de créances peuvent malgré tout être recouvrées après l’ouverture de la procédure de redressement. Il s’agit :
- des créances alimentaires ;
- des créances avec compensation ;
- des créances relatives à la levée de l’option d’un crédit-bail.
Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette conséquence du redressement judiciaire, voici un exemple.
En octobre 2022, un fournisseur livre du bois à l’un de ses clients, le délai de paiement de la facture est de 30 jours. Le client est donc censé régler sa facture au mois de novembre 2022. Toutefois, il fait face à des difficultés de paiement et prend du retard dans le paiement de sa facture. Fin décembre 2022, le client fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. Par conséquent, le fournisseur qui n’avait toujours pas été payé au moment de l’ouverture de la procédure de redressement, n’a plus la possibilité de se faire rembourser jusqu’à la fin de la période d’observation.
☝️ Bon à savoir : le jugement d’ouverture de la procédure de redressement interrompt automatiquement les cours des intérêts conventionnels et légaux. Les dettes ne sont donc pas soumises aux intérêts de retard.
Conséquences du redressement judiciaire : la suspension des poursuites individuelles
Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, les créanciers ont l’interdiction d’engager, envers elle, de nouvelles actions destinées à obtenir le paiement de facture ou la résolution de contrats pour absence de paiement. Les actions en cours doivent également être arrêtées. Par ailleurs, aucune saisie ne peut être effectuée.
La possibilité de participer à la procédure de redressement
Il est indispensable pour le créancier, de notifier au mandataire judiciaire les sommes qui lui sont dues par le biais d’une déclaration de créance. Cette démarche est essentielle puisqu’elle lui permet d’éviter l’extinction de ses créances. Attention, le créancier ne dispose que de 2 mois, à compter de la publication de l’ouverture de la procédure au Bodacc, pour réaliser sa démarche.
L’impossibilité de prendre de nouvelles inscriptions
Une fois le jugement d’ouverture prononcé, aucune nouvelle sûreté (gage, hypothèque, nantissement, etc.) ne peut être prise au bénéfice d’un créancier.
Quelles sont les conséquences du redressement judiciaire pour les salariés ?
Le redressement judiciaire a pour principal objectif de permettre le maintien de l’emploi au sein de l’entreprise. Il arrive, toutefois, qu’un réaménagement des équipes soit indispensable à la poursuite de l’activité. Les salariés de l’entreprise en difficulté sont donc directement concernés par l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
En cas de redressement judiciaire, les conséquences sur les salariés sont les suivantes :
- La poursuite du contrat de travail : les salariés sont liés à l’entreprise par un contrat de travail. Celui-ci se poursuit de plein droit. Les salariés continuent donc d’exécuter leurs tâches et de recevoir leur rémunération.
- L’absence de déclaration de créances salariales : contrairement aux autres créanciers, le relevé est réalisé par le mandataire judiciaire. Les salariés n’ont donc rien à faire.
- La nomination d’un représentant des salariés : le Comité social et économique (CSE) doit désigner un représentant des salariés. Ce dernier a notamment vocation à jouer le rôle d’intermédiaire entre les salariés et le tribunal.
- La possibilité de procéder à des licenciements : c’est une autre conséquence de la procédure de redressement. Si, pendant la période d’observation, des licenciements économiques présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable, le juge peut les autoriser. De même, le redressement de l’entreprise peut passer par la mise en place d’un plan de licenciement. C’est notamment le cas si le bilan de l’entreprise montre une baisse importante de l’activité et une perte significative de clients. Notez également que le recours à l’activité partielle peut être décidé, si celui-ci est nécessaire au redressement de l’entreprise.
☝️ Bon à savoir : si l’entreprise est dans l’impossibilité de payer les salaires, l’AGS intervient. Cette assurance de garantie des salaires prend en charge les sommes dues avant le jugement d’ouverture. Une fois la procédure de redressement en cours, l’employeur est responsable du paiement des rémunérations de ses salariés. L’AGS prend toutefois en charge les éventuelles indemnités en cas de rupture de contrat de travail.
Vous connaissez maintenant les conséquences d’une procédure de redressement judiciaire. Votre entreprise rencontre des difficultés et vous souhaitez en savoir plus ? Pensez à consulter notre fiche sur les différences entre sauvegarde, redressement, et liquidation.
FAQ
Qui paie les dettes en cas de redressement judiciaire ?
L’ouverture du redressement judiciaire entraîne le gel de l’ensemble des dettes antérieures. Pendant la période d’observation, impossible d’en obtenir le paiement. L’entreprise peut alors, pendant ce temps, négocier des remises et des délais de règlement. Une exception toutefois : les salaires dus avant le jugement d’ouverture peuvent être pris en charge par l’AGS.
Quel est l'intérêt du redressement judiciaire ?
La mise en redressement judiciaire d’une entreprise permet à cette dernière d’assurer sa réorganisation ainsi que celle de ses dettes. Elle lui permet donc de poursuivre son activité économique, de maintenir ses emplois et d'apurer son passif. Pour résumer, l’objectif de cette procédure est d’éviter la liquidation de l’entreprise.
Quelles conséquences en cas d’extension de procédure de redressement judiciaire ?
Le mandataire judiciaire peut demander au tribunal d’étendre la procédure de redressement à une autre entité. Il peut s’agir du dirigeant ou d’une autre société. Cette procédure entraîne la confusion des patrimoines. Elle permet alors de désintéresser les créanciers en tenant compte de l’actif et du passif global des différentes entités concernées.
Agnès Mongin
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