
Taxis contre VTC, explications
Pierre Aïdan
Docteur en droit et diplômé de Harvard.
Les tensions entre VTC et taxis sont loin d’être apaisées. La mobilisation hier et aujourd’hui de plusieurs milliers de taxis dans toute la France en témoigne. Ces derniers dénoncent la concurrence jugée déloyale des VTC et certains prônent même l’interdiction pure et simple de ce statut, revigoré par le succès des applications mobiles telles qu’Uber ou LeCab.
Legalstart.fr, qui accompagne de nombreux chauffeurs VTC mais aussi des taxis dans leurs démarches juridiques (création d'une SASU, EURL, auto-entrepreneur), fait le point sur le conflit et sur les différences entre les deux statuts.
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La loi Thévenoud
La loi Thévenoud d’octobre 2014 avait pour but de remettre de l’ordre dans le secteur du transport de personnes, notamment en régulant plus strictement l’activité de VTC et en réservant l’utilisation de la « maraude électronique » (le fait de pouvoir tourner dans les rues en attendant qu’un client commande via une application) aux taxis.
Un an et demi plus tard, force est de constater que la réforme législative n’a pas suffi car la situation est aujourd’hui toujours aussi antagoniste.
Quelles sont les règles pour devenir taxi ou chauffeur VTC ?
Accès à la profession de taxi
Les chauffeurs de taxis exercent une profession très règlementée. Pour exercer leur activité, ces derniers doivent obtenir un certificat et une carte professionnelle auprès de la Préfecture, ainsi qu’une Autorisation de stationnement, la fameuse « licence ». La licence autorise notamment les taxis à stationner près des gares et aéroports en attente de clients, se faire héler dans la rue ou encore emprunter les voies de bus, ce qu’un chauffeur VTC n’a pas le droit de faire.
Distribuées en nombre limité par l’administration, ces licences ont donné naissance à un marché secondaire, sur lequel les chauffeurs achètent le sésame à prix d’or : jusqu’à 200.000 euros à Paris et même 400 000 euros sur la Côte d’Azur.
Accès à la profession de VTC
Soumis un temps à des obligations très légères suite à une réforme de leur statut en 2009, les VTC ont vu l’accès à leur profession être durci par la loi Thévenoud.
Ils ont maintenant pour obligation de suivre une formation de 250 heures pour obtenir une carte professionnelle auprès de la préfecture puis doivent s’inscrire au registre des VTC (anciennement Atout France). Un certain type de voiture est alors exigé pour exercer (berline grosse cylindrée).
Taxis en grève, pourquoi ?
Des VTC pas dans les règles ?
Les taxis critiquent les conditions d’accès à la profession de VTC et disent constater de nombreuses infractions des chauffeurs VTC (maraude électronique, stationnement devant les gares, exercice de l’activité sans autorisation administrative). Le gouvernement a réagi en annonçant des contrôles renforcées pour traquer les chauffeurs qui ne seraient pas dans les règles.
La capacité de transport pour être VTC : une pratique en question
Une partie de la profession de taxis dénonce l’utilisation par des chauffeurs VTC du statut de capacitaire LOTI (avec inscription au registre des transporteurs tenu par la DREAL). L’utilisation de la capacité est considérée comme un « dévoiement de la législation » car elle ne permet normalement que le transport collectif (de 2 à 9 personnes) et non le transport individuel.
Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux Transports, a estimé qu’une « réponse plus précise, peut-être une modification de la législation » devait être apportée avant de trancher sur l’utilisation du statut de capacitaire LOTI pour l’exercice de l’activité de VTC.
Le prix exorbitant des licences
Enfin, les taxis s’insurgent de voir émerger une concurrence qui n’a pas à supporter le coût des licences. A ce titre, les syndicats de taxis réclament le rachat par l’Etat des licences pour que les chauffeurs soient indemnisés : une mesure qui coûterait près de 8 milliards d’euros et qui avait été logiquement écarté par le législateur en 2014, surtout que ce rachat a été interdit par la loi Pasqua de 1995.
Que faire ?
En réponse aux revendications des taxis, une disparition des VTC n’apparaît vraiment pas comme une solution raisonnée. Rien que pour Uber, ce sont 10 000 chauffeurs qui ont rejoint la plateforme ces 4 dernières années. Une étude d’Asterès estime que le nombre d’emplois créés grâce au développement de l’activité VTC pourrait atteindre 100 000 sur l’ensemble du territoire français si les barrières réglementaires étaient levées.
Une intervention législative pourrait cependant être utile pour clarifier les conditions d’exercice de l’activité de chauffeur VTC et surtout pour simplifier les démarches dans l’activité de transport de personnes, afin de favoriser le développement de ce secteur en forte croissance.
Une décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 2016, passée inaperçu, a d’ailleurs rappelé l’importance de la liberté d’entreprendre en invalidant l’interdiction de cumuler l’activité de VTC et de taxi prévue par la loi Thévenoud. Être VTC et taxi en même temps, c’est maintenant possible !
Pierre Aïdan
Docteur en droit et diplômé de Harvard.
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